Narration Pneu
Acier-TS et Pneumatique
L'acier qui entre dans la fabrication des pneumatiques est à haut carbone et à haute résistance mécanique. Fourni en couronnes de fil machine de 5,5 mm de diamètre, celui-ci sera finement tréfilé puis tressé en torons de Steel Cord après avoir subi un ensemble de traitements de surface tant fonctionnels que protecteurs.Sollicitations
Le steel cord subit des sollicitations mécaniques et physicochimiques engendrant une fatigue et des risques de corrosion susceptibles de provoquer des ruptures de fil ou des pertes d'adhérence entre le caoutchouc et le métal. Pour limiter ces risques, les producteurs d'acier s'assurent : - du suivi de la nuance et de la qualité de l'acier - de la maîtrise du procédé d'élaboration du fil - et aussi des conditions de manutention et de stockage des couronnes.Risques intrinsèques
Les inclusions résiduelles de l'acier constituent un risque majeur de rupture pendant les opérations de tréfilage et notamment au moment du tréfilage fin. C'est pourquoi, on s'accorde pour limiter à une vingtaine de micromètres la taille maximum admissible de ces inclusions ; ce qui semble une taille infime quand on observe la coupe micrographique du fil machine, mais qui apparaît en revanche parfaitement justifié lorsqu'on examine le faciès de rupture d'un brin de steel cordNuances propriétés
Actuellement, dans l'essentiel du marché mondial de l'acier du steel cord titre 0,7 % de carbone et 0,2 % de chrome et provient de la filière électrique. En poche , cet acier est déshydrogéné, affiné et décanté de ses inclusions. En service, sa résistance à la rupture est élevée et ses principaux facteurs à risque sont aussi bien intrinsèques qu'extrinsèques.Risques extrinsèques
Des risques de corrosion et d'amorce de fissures sont encourus au moment de la manutention et du stockage des couronnes. Pour limiter ces risques, il convient donc de manipuler ces couronnes avec le plus grand soin. Ainsi, les couronnes devant être transportées par bateau par exemple, sont enveloppés de bâches de protection, puis placées dans des conteneurs abrités et quasiment étanches afin de préserver le matériau des chocs, des embruns et de la condensation.Gamme de fabrication
La gamme des différentes opérations pratiquées lors la fabrication de ce fil d'acier comporte 6 séquences : Une séquence de préparation mécanique puis de préparation chimique, un tréfilage à sec, un patentage , un laitonnage et enfin un tréfilage fin. À la suite de quoi les fils sont assemblés en torons, puis noyés dans le caoutchouc avant vulcanisation .Préparation mécanique
Avant tréfilage , le fil machine subit un décalaminage mécanique, puis un brossage à sec. Ces opérations sont exécutées dans des conditions relativement douces afin de limiter les risques de blessures ou d'inclusions abrasives, qui sont des sources potentielles d'amorces de fissures et de ruptures ultérieures.Préparation chimique
La préparation chimique est une opération fonctionnelle, composée d'un avivage, c'est-à-dire d'un décapage léger dans un acide minéral inhibé, d'un rinçage et d'un séchage. Initialement hydrofuge , l'interface est ainsi nettoyé et rendu hydrophile , donc propice à l'adsorption des savons de tréfilage .Décapage avivage
L'avivage d'un acier consiste à désoxyder le matériau par les protons d'un acide minéral. Le bilan matière de l'opération montre que la dissolution d'une molécule-gramme d'oxyde de fer s'accompagne de la consommation de 2 protons. L'acide chlorhydrique "avive" mieux que le sulfurique et plus rapidement à chaud qu'à froid. Enfin, on parvient à limiter les risques de sur décapage par des appoints dosés d'inhibiteur de corrosionLes oxydes superficiels
Stocké dans une ambiance humide et aérée, le fil machine s'oxyde spontanément :- en rouille verte d'abord : un oxyde ferreux hydraté- puis en rouille rouge : un oxyde ferrique, également hydratéCes oxydes ne sont pas stœchiométriques. Ils sont donc hydrophile s et facilement éliminés lors de l'avivage du fil, par immersion dans une solution d'acide minéral.Désoxydation : principe
Les mécanismes physico-chimiques de la désoxydation de l'acier sont complexes et ils engagent typiquement deux couplages :- un couplage d'oxydo-réduction entre l'oxyde ferrique et le fer du substrat, catalysé par les protons- et un couplage acide-base, entre l'oxyde ferreux et l'acide du bainDans un bain chlorhydrique, les sous-produits formés sont identiques : de l'eau et du chlorure ferreux soluble.Réactions apparentes
La rouille rouge est le principal composant de la pellicule d'oxydation. L'avivage est donc principalement gouverné par une réaction d'oxydo-réduction, alors qu'on présente souvent cette opération comme une dissolution chimique d'oxyde ferreux par les protons. Cette confusion s'explique, car 2 moles de rouille combinées à un atome de fer équivalent en bilan à 3 moles d'oxyde ferreux, décomposables par l'acide.Bilan apparent
En résumé, la désoxydation de l'acier se déroule en deux étapes successives :- percolation de l'acide du bain dans le réseau des oxydes hydrophile s d'abord- puis déclenchement de la réaction de décapage proprement diteQuand cette réaction est terminée, l'acier n'est plus sous protection anodique de la rouille. C'est donc l'éventuelle addition d'un inhibiteur cathodique de sur-décapage qui pourrait limiter les risques de corrosion.Bain chlorhydrique
Un bain chlorhydrique de décapage est un mélange d'acide libre et de chlorure de fer soluble. Au rythme de la production, il s'appauvrit en acide libre et s'enrichit en fer soluble. Quand il est usé, on peut le régénérer par des appoints d'acide concentré. Et si ces appoints sont convenablement effectués, il suffit de diluer le bain régénéré pour retrouver la composition du bain neuf.Effluents concentrés
On peut traiter les concentrés de décapage chlorhydrique de l’acier de plusieurs façons :- après régénération de tout ou partie du bain, par voie humide ou bien par voie sèche,-par dialyse acide, après séparation du fer soluble et recyclage de l'acide libre-le plus souvent, enfin, par coupure et destruction, après neutralisation de l'acide et production de boues d'hydroxydes.Tréfilage à sec
Le fil machine ainsi préparé est tréfilé à sec, puis enroulé en bobines d'environ 1 tonne de masse utile. À la sortie du banc de tréfilage , le diamètre initial du fil est passé de 5,5 à une valeur comprise entre 1 et 1,7 mm selon les pneumatiques fabriqués.Banc de tréfilage à sec
Un banc de tréfilage à sec comporte plusieurs filière s en série, lubrifiées par des savons que l'on utilise sous forme de granulés en pâte. Les formules ainsi que les propriétés rhéologiques de ces savons sont adaptées aux contraintes de chaque étage de tréfilage . C'est-à-dire pour une filière donnée :-au diamètre d'entrée du fil et à son taux de réduction en sortie-et également à la vitesse de rotation de son cabestan tracteurLes savons de tréfilage à sec
Le caractère lubrifiant des savons de tréfilage à sec est apporté par des dérivés du pétrole appartenant à la classe des détergents anioniques, parmi lesquels les anions dodécyl sulfate et dodécyl sulfonate. Ces électrolytes forts possèdent une structure carbonée linéaire et une tête hydrophile . Leur forme, leurs dimensions et leurs propriétés amphiphile s sont connues et bien décrites par les moyens modernes de caractérisation des surfaces.L'interface acier-air
À l'échelle atomique, l'interface acier-air présente un caractère cationique et l'excès de charges qui en résulte est neutralisé par des fonctions anioniques formées au moment du séchage. Ces charges anioniques superficielles sont fortement hydroxylées. Donc, réversiblement échangeables avec les têtes anioniques des détergents dont le reste hydrofuge servira de base d'accrochage aux molécules carbonées du lubrifiant.Savons et rugosité
Après chaque tréfilage , la rugosité du fil augmente, ce qui favorise le maintien des savons à l'abri de l'air et de l'humidité. La différence d'échelle entre ce relief micrométrique et la dimension nanométrique des molécules de lubrifiant adsorbées , explique le rôle prépondérant du savon dans les zones à risque : c'est-à-dire dans les zones d'échauffement, où le fil et la filière sont en contact direct.Adsorption des savons
À l'échelle atomique, l'efficacité d'une lubrification est dictée par l'énergie d'adsorption entre les têtes anioniques du détergent amphiphile et l'excès de charges superficielles de l'acier. Dans les filière s, ces excès de charge sont engendrés spontanément et in situ, sous l'effet de la pression d'étirage, au moment où se forment les nouveaux interfaces lors du glissement des plans cristallins.Patentage
Le savon résiduel est éliminé dans l'eau chaude avant patentage : une trempe isotherme de restructuration de l'acier. Puis le fil est de nouveau décapé dans de l'acide inhibé et enfin rincé à chaud, sous ultra sons.Laitonnage
Le laitonnage électrolytique du fil se pratique en bain alcalin cyanuré, dans un réacteur équipé d'anodes solubles et de contacts cathodiques externes. Après revêtement, le fil est rincé, séché puis de nouveau bobiné. Le titre du laiton est d'environ 63% en atomes de cuivre et son épaisseur est de l'ordre de 1,2 µm.Ligne de laitonnage
Une ligne de laitonnage en continu comporte plusieurs réacteur s en série, alimentés à partir d'une réserve d'électrolyte. Traversée par une nappe de fils en parallèle, elle est équipée de paniers anodiques remplis de lopin s de laiton en vrac. Les caractéristiques du procédé concernent :- La composition et les propriétés de l'électrolyte- Mais aussi les réactions, tant chimiques qu'électrochimiquesSquelette du bain
Le squelette chimique du bain se compose de soude et de cyanure de sodium : deux électrolytes forts, entièrement dissociés, auxquels on ajoute du cyanure de cuivre et du cyanure de zinc en poudre. Le cyanure de cuivre est complexé par l'excès de cyanure libre, tandis que le zinc se solubilise en zincate dans la soude puis se complexe dans le cyanure libre en excès. Dans le squelette, le cuivre est à l'état monovalent et le zinc à l'état bivalent.Bain type
Dans cet électrolyte, le complexe cyanuré du zinc et l'anion zincate sont en équilibre. Mais un laitonnage de qualité nécessite de privilégier l'abondance du complexe par rapport à celle du zincate. Et c'est pourquoi, dans un bain type, il faut :- que le cuivre et le zinc solubles soient relativement dilués- que l'excès de cyanure libre soit faible- et que le pH soit maintenu dans une fourchette restreinte, autour de 10 unitésRéactions électrochimiques
Cinq réactions électrochimiques peuvent caractériser le laitonnage de l'acier :-Deux réactions cathodique : le dépôt de laiton sous rendement global Rk et le dégagement d'hydrogène-Associées à trois anodiques : la dissolution des anodes en vrac sous rendement global Ra, complétée par un dégagement d'oxygène très souvent associé à l'oxydation irréversible de l'anion cyanureParamètres cathodiques
Pour une composition donnée, le pH de l'électrolyte, sa concentration en cyanure libre, sa température ainsi que la valeur moyenne de la densité de courant de dépôt sont les paramètres cathodiques majeurs dans la gestion du procédé. Quand elles augmentent, ces grandeurs provoquent :-l'amplification du dégagement d'hydrogène-la diminution du rendement de laitonnage-ainsi que celle de la teneur en cuivre dans le dépôtParamètres anodiques
Si la concentration en cyanure libre ou si le pH du bain diminuent au-delà d'une valeur critique, les anodes se passivent. Elles se recouvrent d'une pellicule bleue d'Azurite , se polarisent et engendrent deux réactions rédhibitoires :- le dégagement d'oxygène- et l'oxydation des cyanures qui aboutit à la précipitation de boues blanches d'hydrogénocarbonate de sodium qu'il faut nécessairement éliminerTréfilage fin
Le tréfilage fin du fil laitonné se pratique en milieu organique, dans une suspension de type eau dans l'huile, jusqu'à un diamètre final de 200 µm et une épaisseur résiduelle de laiton de l'ordre de 0,2 µm. Dans ces conditions, un mètre de fil machine ainsi tréfilé peut donner jusqu'à 900 m de steel cord enroulé en bobines de 200 kg de masse utile.Fluide de tréfilage fin
Le principe actif du fluide de tréfilage est formé de gouttelettes aqueuses de quelques centaines de nanomètre s de diamètre, stabilisées par circulation forcée de la suspension. Une gaine de tensioactifs les enveloppe et l'huile les maintient à l'abri de l'air, pour éviter les corrosions et les ruptures. Au contact du fil, la gaine se déchire, libère les tensioactifs qui s'adsorbent au laiton par leur tête hydrophile et jouent le rôle de savons de tréfilage .Ateliers torons
L'atelier de tréfilage occupe une grande surface au sol, en raison du nombre important des machines dédiées à l'étirage du Steel Cord jusqu'à son diamètre final de l'ordre de 200 µm. Par la suite, le fil est torsadé en tresses de plusieurs brins et les tresses assemblées en torons. Ainsi, la bande de roulement d'un pneumatique peut contenir de 2 à 27 brins selon les applications et jusqu'à 170 brins dans un pneu d'engin de génie civilLaiton et caoutchouc
En fin de tréfilage , l'épaisseur résiduelle de laiton est faible, de l'ordre de 0,2 µm environ, mais elle est nécessaire et également suffisante pour assurer l'adhérence du caoutchouc et la protection du steel cord. Dans le revêtement de laiton, c'est le cuivre qui assure la fonction d'adhérence entre le caoutchouc et le métal, tandis que le zinc assure la protection anticorrosion de l'acier en raison de la perméabilité du caoutchouc tant à la vapeur d'eau qu'à l'oxygène de l'airRemerciements
Ce document, produit par l'OTUA, a été réalisé grâce à l'aimable concours de Jean-Paul Bouichou, de la direction d'ISPAT Europe (CRIE 57360 Amnéville) et de l'équipe Technique de SODETAL (Route de Ligny - 55310 Tronville-en-Barrois). Nous les remercions chaleureusement pour leur aide, leurs encouragements et aussi pour les documents qu'ils nous ont confiés et les conseils avisés qu'ils ont bien voulu nous prodiguer.